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Les secrets de la version LMH de l'Aston Martin Valkyrie par Adam Carter

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5 fév. 2025 • 1:01
par
Thibaut Villemant
Ça y est, elle est là ! Vêtue de ses peintures de guerre, la Valkyrie se dévoile enfin au public. Seule Hypercar dérivée d'une voiture de série et dépourvue de système hybride, il s'agit d'une auto unique en son genre. Responsable de l'Endurance chez Aston Martin, Adam Carter nous en dit plus.
© Aston Martin

Comment caractériseriez-vous l'Aston Martin Valkyrie ?

L'Aston Martin Valkyrie n'est pas seulement une Hypercar, c'est une révolution dans l'histoire de l'ingénierie automobile. Elle représente le summum de la performance, du design et de l'innovation. Grâce à la fusion extraordinaire de la technologie de la F1 et de la maîtrise des voitures de route, la Valkyrie est véritablement conçue pour la course et son arrivée dans la catégorie-reine de l'Endurance ne fera que renforcer sa réussite technologique. Si elle adhère bien évidemment au règlement Hypercar, la voiture de course partage de nombreux éléments avec la routière, et notamment son V12.

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D'après-vous, est-ce plus facile de concevoir une voiture en partant de zéro ou en partant d'une base existante ?

Il y a des avantages et des inconvénients. Lorsque vous concevez une voiture de course, vous devez toujours faire des compromis en matière d'architecture, d'agencement, etc. En fait, cette voiture a déjà été conçue pour offrir des performances hallucinantes, de sorte que les points architecturaux clés sont déjà en place. Après, il nous a fallu faire le nécessaire pour la rendre conforme à la réglementation en vigueur. D'une certaine manière, tout dépend donc du pedigree de la voiture vous servant de base.

 

Peut-on dire que cela vous a fait gagner du temps ?

Cela nous a permis de réaliser le programme dans les délais impartis. Et pour cause, certaines étapes du processus de développement avaient déjà été achevées. Le groupe motopropulseur, par exemple, était déjà développé et avait déjà subi un certain nombre de cycles d'endurance dans des conditions de course.

© Aston Martin

Le châssis aussi a été conçu dans cette optique. La Valkyrie constituait une excellente plate-forme pour devenir une voiture de course. Il était inimaginable qu'Adrian (Newey), l'un des plus grands ingénieurs de l'histoire, conçoive une voiture sans penser qu'elle serait amenée à rouler en compétition à un moment ou à un autre.

 

Qu'avez-vous pu garder de la version routière de la Valkyrie ?

Vous n'êtes pas sans savoir que le règlement définit une fenêtre de performance. Nous avons donc dû redéfinir l'aérodynamique de la voiture (la version de route génère 1 800 kg d'appui. Ndlr). La grande partie du travail a concerné le sous-bassement.

 

Vous verrez également que, comme sur les autres voitures LMH et LMDh, Il y a eu un gros travail de fait autour des critères de stabilité aérodynamique, comme les persiennes dans les ailes et les dérives au niveau de l'aileron arrière, etc. Mais nous nous sommes attelés à conserver le maximum de surfaces extérieures de la Valkyrie de série.

 

Combien d'appui aéro avez-vous perdu ?

Je ne peux vous donner une réponse précise car les deux autos ne fonctionnent pas de la même manière. La voiture de série bénéficie d'une aéro active, au contraire de la voiture de course. Il serait donc injuste de faire une comparaison. Le concept du plancher est en grande partie le même, mais la façon dont nous le chargeons et dont nous le sollicitons est différente.

© Aston Martin

Mais, encore une fois, ce qui a été très important pour nous dans le cadre de ce processus a été de travailler sur l'aérodynamique du soubassement et de s'assurer que nous puissions conserver autant que possible l'ADN de la Valkyrie. J'ai donc été très sollicité pour m'assurer qu'au bout du compte, il s'agisse bien d'une Valkyrie et surtout d'une Aston Martin.

 

Avant d'en venir au moteur, quees sont les autres domaines qui ont radicalement changé ?

Il y a bien évidemment tout ce qui concerne la sécurité pour se soumettre aux normes FIA, notamment au niveau des structures d'impact. Tout ce qui est l'interface pilote également, notamment le tableau de bord et tout l'environnement cockpit. La géométrie a pas mal de similarités.

 

Venons-en au moteur. Pour vous, était-il impossible de ne pas partir sur un V12 ?

Il s'agit d'une itération de la Valkyrie, dont le cœur est un V12 de 6,5 litres. Pour nous, la synergie avec cette voiture de route fait également partie de la stratégie. Le règlement est basé sur un contrôle précis du couple sur l'arbre de transmission. Comment le couple est-il généré ? Au niveau des roues arrière soit comme une LMDh, qui a l'ERS sur l'essieu arrière (et qui demeure donc une propulsion. Ndlr). Avec le système hybride à l'avant, les autres voitures LMH peuvent fonctionnent avec quatre roues motrices. Mais compte tenu de la manière dont le règlement est pensé, nous sommes convaincus que nous disposons d'un ensemble très performant.

© Aston Martin

Comment avez-vous « détuner » le moteur ?

Nous avons dû le reconfigurer et le recalibrer, en rectifiant certains composants. Il s'agit donc du même V12 de 6,5 litres que celui de la voiture de route Valkyrie. Même vilebrequin, même bloc, mêmes culasses... Le principal élément que nous avons modifié est la commande des soupapes. Il est important de fonctionner en mélange pauvre afin de réduire la quantité de carburant que vous transportez car l'énergie par relais est limitée.

 

Nous faisons tourner le moteur plus lentement qu'il n'est capable de le faire car nous avons besoin de moins de puissance (que la voiture de série, à savoir 1176 ch contre environ 680 pour la LMH. Ndlr). Cela nous offre l'opportunité de revoir la courbe de couple et de réduire les pertes par frottement en diminuant le régime du moteur et augmenter ainsi l'efficacité énergétique.

 

Malgré cela, le son est-il toujours aussi envoûtant ?

Le pire scénario pour nous était que l'on nous empêche de faire des essais car nous ne respections pas les limites de bruit. Nous avons bien évidemment effectué des simulations et des calculs et avons été très prudents initialement. C'est pourquoi dans le cadre du programme de développement, qui a été purement axé sur les aides à la performance, nous avons réduit la taille du silencieux de manière à diminuer son poids, etc. Au fur et à mesure, nous avons libéré de plus en plus la magnifique bande sonore du V12. Ce V12 est le coeur de la Valkyrie et ce son fait partie de la Valkyrie. C'est pourquoi j'ai hâte de l'entendre au Qatar aux côtés de ses rivales.

© Aston Martin

Pourquoi ne pas avoir adopté de système hybride ?

Il y a toujours un compromis à faire. Vous pouvez choisir entre le LMH avec quatre roues motrices et le LMDh, qui n'est qu'une propulsion. En fin de compte, encore une fois, tout est contrôlé par les couplemètres. Les réglementations vous permettent d'avoir ces différents groupes motopropulseurs, et tous ont leurs avantages et leurs inconvénients.

 

Les voitures hybrides présentent des avantages au niveau de la transmission du couple. Et si un constructeur met le doigt sur une synchronisation optimale, il a une grande opportunité et un bon contrôle sur le groupe motopropulseur. Le V12, de son côté, délivre un couple important qui peut aussi être un avantage.

 

Quantité de carburant et d'énergie par relais seront donc calculées en fonction du fait qu'il s'agit uniquement d'un moteur à combustion interne. Au final, nous verrons en course qui aura le mieux optimisé le package qu'il a à disposition.

© Aston Martin

Et la position a-t-elle joué ?

Effectivement. Le système hybride de la Valkyrie est sur l'essieu arrière. Il aurait donc fallu modifier l'avant, avec la surcharge pondérale inhérente à cela, sans compter tous les systèmes de refroidissement. Nous aurions donc dû concevoir la voiture complètement différemment et perdre le lien avec la Valkyrie de route.

 

Courbes de puissance, PPU, software, c'est là que tout se joue en grande partie...

Vous avez raison. Le contrôle étroit du niveau de puissance significative est l'un des facteurs fondamentaux de différenciation de performance entre les autos. Et comme je l'ai dit, chaque solution a ses avantages et ses inconvénients.

 

Avoir un système hybride permet une arrivée instantanée ou presque du couple. Mais de son côté, le V12 bénéficie d'une arrivée du couple différente de celle des autres moteurs à combustion.

© Aston Martin

Ce qui est sûr, c'est que nous avons pu voir, de l'extérieur, à quel point certains de nos adversaires ont réalisé d'importants gains au fil des courses, en optimisant sans cesse leurs groupes motopropulseurs.

 

A vous écouter, c'était presque facile...

La voiture de route bénéficie d'un système hydraulique de contrôle actif de la suspension et de volets aérodynamiques actifs à l'avant et à l'arrière. Le passage de cette voiture à une voiture à aérodynamique passive n'a effectivement pas engendré de défis particuliers, même s'il nous a contraint à effectuer un travail sur l'aérodynamique, comme mentionné auparavant. Pour le reste, la Valkyrie est juste une excellente base pour concevoir une voiture de course. 

 

Vous ne semblez pas craindre que toutes ces différences soient néfastes...

Si notre voiture est une nouveauté, il s'agit fondamentalement d'une propulsion (tout comme les LMDh. Ndlr). Le contrôle du couple se faisant au niveau de l'arbre de transmission, je ne vois pas ce qui nous empêcherait d'être performant...

Commentaires (16)

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Wyckler

5 fév. 2025 • 1:57

après les essaies à daytona l'aston martin était très très loin derrière les lmdh, en espérant qu'elle ne va pas partir l'année prochaine à cause de son manque de rythme.

MATERAAA

5 fév. 2025 • 3:26

@Wyckler Tout comme la lamborghini était devant à ces même essais l'année d'avant pour au final être hors coup. Il ne faut pas trop essayer de lire entre les lignes de ses tests.

Micka 3719

5 fév. 2025 • 5:55

Merci pour cet interview très intéressante ! Hâte de découvrir les premiers chronos et surtout de l'entendre au Mans. Est-ce que le réglement prévoit une limite sonore pour les Hypercars comme pour les GT3 ?

David Giraud

5 fév. 2025 • 6:33

J'ai hâte de l'entendre à Spa et au Mans. Surtout en phase nocturne dans les hunaudiaires.
En revanche, côté perfo, je ne sais pas du tout quoi en penser. Je m'attends au pire.

dmeyers

5 fév. 2025 • 14:01

Méthode Coué, manque de culture en sport auto de la part de Adam Carter ?? Depuis qu'en sport proto (période post après guerre) il y a des vrais voitures de course, pour moi, à partir de 1966 avec la GT40 rare (jamais ?) une 'routière' transformée en proto n'a réussi à performer au top niveau.