Vécu

Mon nom est personne

Endurance Info
1 juin. 2024 • 12:00
par
Laurent Mercier, devoir de mémoire

Au fil du temps, la passion du sport automobile s’est transformée en un métier, tout en conservant un côté passion. Le jour où cette passion sera évaporée, il sera temps de partir sous d’autres cieux. Depuis la création d’Endurance-Info en 2006, les meetings se sont enchaînés les uns après les autres aux quatre coins du monde. Le cap des 1000 est en approche.

 

L’habitude fait que l’on est installé dans une routine à bosser du matin au soir sur un circuit, à discuter avec les acteurs et à retranscrire les interviews (entre deux cafés). Aller voir tourner les voitures en bord de piste doit m’arriver deux fois par décennie. Un manque ? Non puisque c’est un métier. Il reste tout de même quelques meetings sans le rush de l’info et pour cela, les meetings historiques font partie de l’intemporel pour l’écriture d’articles. Il n’y a pas la moindre « breaking news » à débusquer ou la dernière BoP à aller chercher. Quoi que…

 

La 30e édition de Sport & Collection au Val de Vienne, événement plus connu sous le nom 500 Ferrari contre le cancer est le parfait exemple du meeting où tout le monde a le temps car taquiner le chrono n’est pas l’objectif du week-end. Le seul but est de récupérer le plus d’’argent possible pour la recherche contre le cancer (470 000 euros en 2023, 6 millions au total). A ce titre, j’ai une grosse pensée pour Pascal (Saivet), qui a longtemps été photographe de Larbre Compétition et avec qui j’avais couvert les 25 ans du Circuit du Val de Vienne.

Les 500 Ferrari contre le cancer vont bien au-delà de ce titre d’événement. On peut faire confiance à Jack Leconte, maître des lieux, pour agencer le meeting aux petits soins. Pour ma part, c’est l’événement à la maison. Ado, j’ai souvent foulé le tracé poitevin. Avant 2024, je n’avais mis les pieds qu’une seule fois à Sport & Collection car jusqu’à maintenant, il y avait toujours un autre meeting en face. Cette fois, l’occasion est trop belle d’aller faire un tour incognito. Incognito n’est pas le terme exact car on y rencontre toujours quelques amis du sport auto pour échanger (et boire un café ou une coupette). Je me suis toujours dit que si un jour je devais écrire un livre, le titre serait « Mon nom est personne ».

 

Ce type de manifestation est l’endroit rêvé pour voir, ou revoir, d’anciennes gloires du sport auto, notamment de l’Endurance. Richard Mille a dépêché sur place plusieurs Ferrari : 312T, 312 T4, 365 GTB/4 Competizione, 365 P2. Certes, elles sont magnifiques, mais c’est dans le stand voisin que mon regard se porte en voyant un attroupement. Les téléphones sont tous en mode photo/vidéo autour d’une voiture : la Matra MS 630. Il y a la voiture et le pilote qui va avec : Henri Pescarolo. Une fois n’est pas coutume, je vais profiter au milieu de cet attroupement sans rien demander à personne. Moi aussi, j’ai le téléphone en mode photo/vidéo durant une dizaine de secondes.

 

Henri Pescarolo, tout le monde le connaît. Nous avons eu la chance, car c’est une chance, d’aller fêter les 10 ans d’Endurance-Info chez Madie et Henri en 2016 pour un déjeuner qui restera dans les annales. Avant cela, il y avait eu les multiples visites à son atelier dans le Technoparc du Mans. Je me dis : « merde, Henri a près de 82 ans, il attend tranquillement dans la Matra MS 630 qu’il partageait avec Johnny Servoz-Gavin aux 24 Heures du Mans 1968. »

Derrière la MS 630 se trouve une MS 650 des 1000 km de Monza 1970. Tout a été dit sur Henri mais imaginez tout ce qu’il a vécu durant sa carrière, les souvenirs bons ou mauvais. Imaginez tout ce qu’il peut avoir enfoui dans sa mémoire. Et là, au lieu d’être tranquillement à jardiner, il est prêt à partir en piste dans une Matra. Plus passionné que lui, ça va être dur à trouver. C’est aussi cela le charme d’une telle manifestation, tout comme écouter le public raconter sa passion de l’Endurance. A côté de moi, j’entendais quelqu’un dire à ses amis : « La première fois que je suis allé au Mans, j’ai fait 150 km en mobylette et l’année suivante, j’y suis allé avec ma 2CV. » Avouez que vous aussi vous avez un tas d’anecdotes sur vos déplacements au Mans. Pour ma part, je pourrais vous en écrire un livre. Plus le temps passe, plus on se raccroche au passé. Sur Sport & Collection, je peux vous dire que des bonds dans le passé, il y en a.

 

Quel plaisir de revoir une Inaltera que je n’ai pas eu la chance de voir courir, d’autant plus que Christine Beckers est sur place, ou cette Rondeau M482 des 24H du Mans 1984 pilotée par Henri Pescarolo (encore lui) et Thierry Boutsen. Sa prestation ne restera pas dans les annales mais son aéro imaginée par Max Sardou a marqué son époque. Que dire des deux Lancia LC2 ou de la Rondeau M382 de Jean Rondeau et Jean-Pierre Jaussaud aux couleurs Otis qui a bercé mon enfance. J’avais eu la chance de poser mon cul dedans à Dubai. Alors que j’accompagnais mon père au Mans tout gamin, qui aurait cru qu’un jour j’aurais la possibilité de m’asseoir dans une Rondeau à Dubai ? La probabilité était proche de zéro.

Chez Peugeot, la marque française à l’honneur cette année, on y trouve la 905 victorieuse au Mans en 1993. Là aussi j’étais dans les gradins. Quelle auto cette 905 ! A côté d’elle se trouve une 908 bien plus récente que j’ai vu de près, où j’ai pu interviewer les pilotes en 2009. Malgré cela, mon rapport est différent avec la 908. Peut-être que le côté gamin n’y était plus. Ce n’est pas totalement vrai car sous la tente Larbre se trouvent des merveilles que j’ai côtoyé un tas de fois : Maserati MC12, Aston Martin DBR9, Ferrari 550 Maranello, Saleen S7-R. Pour reprendre un ancien slogan des 24H du Mans : Magique, Mythique, Unique. Ces GT1 quand même, c’était quelque chose…

Et la Cougar C28 LM des 24H du Mans 1992 pilotée par Henri Pescarolo (toujours lui), Bob Wollek et Jean-Louis Ricci ? Elle aussi est là amenée par GPX Historic et cette Cougar a elle aussi bercé mon adolescence. Vous me direz que sur un meeting historique, il est logique de revoir des autos de sa jeunesse. A une époque actuelle tout de même assez anxiogène, cela fait un bien fou.

 

Les 24 Heures du Mans 2024 arrivent à grands pas et j’ai une pensée toute particulière pour quatre personnes proches qui auraient kiffé toutes les quatre  d’assister à cette édition pleine de constructeurs, mais qui malheureusement ne seront pas de la fête dans quelques jours. Cette journée à Sport & Collection m’a permis de faire un bond dans le passé et de faire travailler ma mémoire qui comme tout le monde flanche avec les années. Prêt pour une 42e édition des 24H du Mans...

 

Commentaires (7)

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Skyd

1 juin. 2024 • 12:43

👏👏👏👏

Surgères

1 juin. 2024 • 12:51

Bel article ! A bientôt au Mans !!!

mick-65@outlook.fr

1 juin. 2024 • 15:01

Nostalgie quand tu nous tiens

FHB

1 juin. 2024 • 15:28

Non mon cher Laurent ta mémoire ne flanche pas , au contraire et ta plume, toujours acérée et percutante se bonifie avec les ans comme le bon vin!!!

OlivierP

1 juin. 2024 • 17:00

Je confirme, les voitures vues quand nous étions gosses ou ados (groupes C, 905…) nous font à jamais un effet particulier…