Le Mans

Billet d'humeur 24H du Mans - 2001, l'année de la grande semaine du Mans

24 Heures du Mans
31 mai. 2023 • 9:36
par
lmercier, au Mans
En fonction de notre temps libre au Mans, qui de toute façon sera limité, nous allons vous faire part à tour de rôle de billets d'humeur sur les 24 Heures du Mans.

Quand on se rend aux 24 Heures du Mans chaque année, on souhaite que ça dure le plus longtemps possible, sauf que 24 heures restent 24 heures et qu’il n’est pas possible d’allonger le temps. Je suis quasiment persuadé que vous avez tous connu le même rituel ou presque. Arrivée le samedi matin de bonne heure au Mans, stationnement sur un parking (le bleu pour moi durant une vingtaine d’éditions), prendre une place sur les gradins pour le warm up matinal, sans oublier des passages par le paddock (quand celui-ci était facilement accessible). Vous comme moi en avez mis du temps avant de bouger de ces gradins où vous avez cuit une année, pris la pluie un an plus tard.

 

Gamin, vous vous voyiez à coup sûr pilote et vous aussi vous aviez promis qu'un jour, vous seriez de l’autre côté du grillage. Entre vouloir et pouvoir, la marche est haute. J’avais toujours dit qu’un jour ce serait mon tour de marcher sur cette piste. Mais quand ? Et comment ? J’avais eu une première occasion dès 2000 de prendre part à un stage sur une Formule Renault. Avec le meilleur temps de la journée, j’ai connu mon moment de gloire en montant sur la plus haute marche du podium quelques mois seulement après Frank Biela, Tom Kristensen et Emanuele Pirro. Ce rôle de pilote restera tout simplement…éphémère et donc sans lendemain. Le talent ne s’achète pas.

 

En 2001, je décide de franchir le pas pour aller au Mans toute la semaine. Pour cela, j’économise pour acheter un billet pitwalk à 450 euros qui me donne accès aux vérifications techniques et administratives Place des Jacobins ainsi qu’au paddock et à la voie des stands hors roulage. Il est vrai que 450 euros au début des années 2000, c’était une somme mais quand on aime on ne compte pas ou on fait semblant de ne pas compter. Du lundi soir au samedi matin, j’allais dormir à Alençon, soit 1h de route matin et soir environ car à cette époque, l’autoroute A28 n’était pas en service.

 

Découvrir les vérifications de l’intérieur avec un pass autour du cou alors que le quidam est derrière les barrières, c’est un luxe. Croyez-le ou non, mais la première personne qui me chope à l’entrée est Romain Dumas qui faisait cette année-là ses débuts au Mans. Romain était paumé à la recherche de ses coéquipiers (Gunnar Jeannette et Philippe Haezebrouck). Forcément, j’étais tout aussi paumé que lui. C’était cool de pouvoir approcher les voitures et les pilotes. Tu écoutais les journalistes faire leurs interviews des pilotes présents. J’étais là en inconnu total dans le plus grand anonymat. Comme tous les ans (c’est toujours le cas en 2023), j’achetais les deux journaux locaux quotidiennement pour les archiver. Alors, vous n’imaginez pas ma surprise quand un matin je vois ma tronche sur le Maine Libre tout près de Christian Pescatori  (photo de Une). Lui était adopté par Audi, moi par cette grand semaine mancelle.

 

Au début des années 2000, Internet n’était pas ce qu’il était aujourd’hui. Pas de Facebook ni d’Instagram pour publier les photos. Il fallait passer par les forums, ce que je faisais bien volontiers. Bon, le souci est qu’il fallait se défaire du 56K à l’hôtel. Vous vous souvenez du câble qu’il fallait brancher à votre ordinateur et de la prise téléphone à l’autre bout et le petit bruit strident pour la connexion. Quelle misère quand on y repense. 

 

C’est sur le circuit que tu te rends compte que tu es de l’autre côté, que tu as l’impression de faire partie de la fête, alors qu’en réalité pas du tout. Tu es là à arpenter les allées du paddock sans but bien précis, à part prendre du plaisir visuel et te dire que tu y es. Quand tu passes une vingtaine d’années sans pouvoir fouler la piste et que tout à coup, tu te retrouves dans la voie des stands le mercredi matin, croyez-moi, tu es le king. Je me souviens avoir appelé la terre entière pour dire que enfin j’étais de l’autre côté du grillage, ce qui soit-dit en passant m’avait coûté un bras en téléphone. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.

 

Quand ça roule, il faut laisser les gens travailler, ce qui est d’ailleurs toujours mon cas en 2023. Il y a un temps pour tout et vous ne me verrez que très rarement, voire même jamais, dans un stand quand les autos sont en piste. Quand j’ai besoin de savoir quelque chose, j’envoie un message et ça s’arrête là. Même entre les séances d’essais, il était possible de marcher dans la voie des stands et de voir les équipes travailler. Une autre époque.

 

La boucle était bouclée quand le samedi matin on est toujours de l’autre côté du grillage, cette position tant attendue depuis tout gamin, surtout que c’est en toute légalité avec un vrai billet. Une fois le départ lancé, il faut repasser derrière ce grillage mais en se disant : j’y étais.

 

J’ai répété la semaine du Mans chaque année avec mon billet pitwalk jusqu’en 2006, année de création d’Endurance-Info, avec pour seul et unique changement un hôtel au Mans et non plus à Alençon.

 

Depuis, les choses ont bien évolué car plus question de faire son spectateur lambda. Hier encore (mardi 30 mai), j’ai arpenté cette voie des stands en pleine ébullition, cette fois à saluer les uns et les autres dans les stands, et non plus en simple quidam. C’était mieux avant ? Non c’était juste différent. On vous l’a déjà dit dans ces colonnes, comparer les époques n’a pas vraiment de sens. Avant, je vivais cette épreuve pour moi, maintenant je la vis toujours pour moi mais surtout pour les autres. 

Commentaires (4)

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Greg78

31 mai. 2023 • 12:05

Merci Laurent pour ce billet d'humeur!
j'ai découvert les 24h "en vrai" pendant que j'étais en stage de Mai à Juillet 2000 Automotive. (je connaissais déjà pour le peu que c'était diffusé à l'époque sur la TV publique, et j'adorais déjà). Quelle ambiance pendant la semaine complète, et quel bonheur d'être sur place et d'avoir pu croiser/discuter avec des "grands noms" pour moi (Henri Pescarolo et Yves Courage) en dehors de la folie de la course.
J'ai à 3 reprises remis les pieds au Mans pour cette magnifique course.
Depuis, c'est devant la TV (certes, moins fabuleux).
Merci de partager cette passion, merci à ce superbe site, vraiment!

Motorsports561

31 mai. 2023 • 13:58

Magnifique article de notre Laurent national. On espère te voir quand même durant la semaine ??

CLOCLO31

31 mai. 2023 • 15:19

Bel article de passionné qu'on pourrait reformuler sous forme de fable : " le futur(grand) journaliste, le pêcheur italien pilote et la firme aux anneaux"

Des années avant Laurent, étudiant et tout aussi passionné, je me "payais" aussi la grande semaine des 24 h , qui démarrait par les vérifications techniques du Lundi qui se faisaient encore sur le circuit , au droit de l'actuelle chicane Ford.
Pour pouvoir rentrer dans le parc fermé (accessible aux pro , uniquement) et tromper la vigilance du seul contrôleur , je me suis découvert des ressources insoupçonnées en matière de déguisement et de "composition d'acteur" : costard-cravate, air sérieux voire légèrement ennuyé, faux-pass en bandoulière..

Tout ça pour dire mes remerciements à ce site de passionnés , qui sont parvenus en quelques années , à un niveau d'excellence dans la précision et la densité des informations et la clarté des analyses (suis toujours "scotché" par le niveau et la cohérence des articles de Th. Villemans), sans oublier d'y mettre leur sensibilité propre

Continuez longtemps comme ça

steph73

31 mai. 2023 • 16:10

Difficile d'en rajouter après tous ces commentaires élogieux, mais merci encore pour le contenu et le côté immersif des articles. Du grand professionnalisme.