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Tout ce qu'il faut savoir sur la Toyota GR010 2023

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24 fév. 2023 • 10:00
par
Thibaut Villemant, au Paul-Ricard
Moins d'un mois avant la première manche de la saison 2023 du WEC, le quadruple tenant du titre a dévoilé une version améliorée de son Hypercar. En quoi est-elle nouvelle ? Pourquoi ces changements ? Le directeur technique du Toyota Gazoo Racing Pascal Vasselon nous en dit plus...
© Toyota Gazoo Racing

Que nous étions bien au chaud dans notre voiture de location... En ce matin du mardi 8 février, des rafales de vent avoisinant les 90 km/h balaient le plateau du Castellet, rendant ce dernier fort hostile. Mais voir évoluer l'évolution 2023 de la Toyota GR010 Hybrid vaut bien ce sacrifice. L'équipe nippone est au travail, elle qui s'apprête à attaquer trois jours d'essais : un premier destiné à travailler sur le set up, les deux suivants pour une simulation d'endurance.

 

 

Malgré un emploi du temps surchargé à l'aube d'une saison dont on attend beaucoup, Pascal Vasselon, Sébastien Buemi ou encore Mike Conway ont accepté de nous consacrer un peu de leur temps pour nous parler de leur « nouvelle » arme qui, ils l'espèrent, leur permettra de conforter ce statut de référence de la discipline que Cadillac, Ferrari, Peugeot ou Porsche vont tenter de leur contester.

POURQUOI RÉVISER UNE VOITURE QUI GAGNE ?

Présentée en janvier 2021, la GR010 Hybrid est la première Hypercar à avoir pris la piste. Une fois de plus, il est de bon ton de féliciter - de remercier - le constructeur japonais d'avoir poursuivi son engagement en WEC malgré la désertion de la concurrence. Sans lui, la discipline n'en serait pas là.

© Toyota Gazoo Racing

Mais surtout, il convient de rappeler que les ingénieurs de Cologne et Higashi-Fuji ont dû composer avec un grand nombre de changements réglementaires alors que leur création était déjà bien avancée. Notamment le dernier, qui a découlé de la convergence LMH-LMDh et qui a fait passer le poids minimal de 1100 kg à 1030, ce qui a mis les ingénieurs du Toyota Gazoo Racing dans l’embarras. Pourquoi parlons-nous de cela ? Tout simplement car là sont les explications ayant poussé Pascal Vasselon et ses hommes à revoir leur copie.

 

« Nous avions dû diminuer le poids de l'auto (de 70 kg dans un monde idéal. Ndlr), ce que nous avions fait en grande partie, mais pas complètement, nous rappelle Pascal Vasselon tout en engloutissant son déjeuner au Panoramic. Nous n'avions pas d'autre choix. Mais le problème est qu'en procédant ainsi, nous avons perdu le contrôle de la répartition de masse avant-arrière car nous n'avions plus du tout de lest. Celle-ci s'est retrouvée bien plus sur l'arrière que prévu. Raison pour laquelle la voiture n'était notamment plus adaptée aux pneus de 31 cm de large à l'avant et à l'arrière (elle est désormais en 29/71-18 à l'avant et en 34/71-18 à l'arrière. Ndlr). Le changement de monture pneumatique à l'intersaison 2021-2022 nous a permis d'y remédier en partie. Une grosse évolution qui nous avait conduit à modifier quelque peu la carrosserie. Là, nous sommes passés à l'étape suivante. »

 

Une explication faisant écho à celle que nous avait donnée quelques minutes plus tôt Sébastien Buemi. « De par le fait qu'elle a été modifiée car conçue sous diverses moutures règlementaires, nous nous sommes retrouvés avec une voiture pas forcément facile à emmener, avait concédé le quadruple vainqueur des 24 Heures du Mans. Ce qui explique certaines petites sorties de piste pouvant paraître assez curieuses vues de l'extérieur. Or, dans une catégorie régie par la Balance de Performance, si tu n'as pas forcément un grand intérêt à rendre ta voiture plus rapide, il est important d'être en confiance à son volant. »

QUOI DE NEUF SUR LA GR010 HYBRID ?

© Toyota Gazoo Racing

Si nous avons tenté de nous faire confirmer par Pascal Vasselon que Toyota avait eu recours à une nouvelle homologation, l'ingénieur français nous a répondu : « C'est quelque chose qui est confidentiel entre la FIA et nous. Nous ne souhaitons pas communiquer sur le nombre de jokers utilisés, mais toutes nos évolutions ont bien évidemment été validées avec la FIA. » Le plus important est ailleurs, et concerne ces évolutions.

 

À l'oeil nu, elles sont bien subtiles... mais elles seraient bien plus importantes qu'il n'y paraît. Leur influence semble en tous les cas de taille, plus encore que celles apportées à l'intersaison 2021-2022. « La voiture a la même allure, mais il y a quelques évolutions quand même, reconnaît Pascal Vasselon. Certaines sont plus visibles que d'autres, notamment au niveau des pieds d'éléphant (échancrés. Ndlr). Mais c'est tout le packaging d'ensemble qui a été revu. » Des améliorations qui, conjuguées au régime auquel a été soumise l'Hypercar nippone (voir ci-après), sont censées parfaire la balance et « profiter à la driveability (maniabilité. Ndlr) de la voiture, ce qui est primordial dans une catégorie régie par le Balance de Performance », poursuit l'ingénieur tricolore.

 

Nous aurons l'occasion, dans l'après-midi, d'aller constater que les ailes avant ont également été revues, tout comme le nez, même s'il reste camouflé par la même proéminente « moustache » que l'an passé. Cette dernière, qui cachait l'an dernier un pseudo aileron qui brille cette année par son absence (voir ICI). En fait, c'est le splitter - dans son concept - qui a été totalement redessiné, et là est l'une des modifications principales, pour ne pas dire qu'il s'agisse de la plus importante. Des flaps ont par ailleurs fait leur apparition à l'avant alors que les dérives de l'aileron arrière sont moins grandes. « Mais tout comme les arrêtes surplombant le cockpit, elles font partie des éléments nous permettant d'être dans la fenêtre de stabilité servant à prouver à la FIA que la voiture ne se retourne pas si elle part en travers » avoue Pascal Vasselon.

 

De quoi donner une auto à l'allure un peu moins pataude que la version qui vient de s'offrir 10 victoires - dont deux aux 24 Heures du Mans - en 12 départs.

© Toyota Gazoo Racing

Et sous le capot ? « Il y a quelques améliorations au niveau du moteur et du châssis, concède notre interlocuteur. Nous n'avons pas rencontré de problèmes de fiabilité l'an passé, mais quand tu démontes une voiture après une course, tu trouves toujours des petites choses à améliorer. »

 

Mais surtout, « nous nous sommes attelés à réduire le poids pour nous rapprocher du poids minimal car nous n'y étions pas encore l'an passé suite au changement de règlementations intervenu alors que notre voiture était déjà achevée ». Des ajustements ont ainsi été apportés au groupe motopropulseur qui - pour rappel - se compose d'un moteur à combustion de 3,5 litres développant 520 kW (707 ch) et d'un moteur électrique de 200 kW (272 ch). Quelques éléments auraient été changés, en ayant vraisemblablement recours à des matériaux plus légers.

 

« Mais nous avons aussi veillé à faciliter la tâche aux mécaniciens, enchaîne Pascal Vasselon avant de prendre congé de nous. Notamment via un nouveau système qui permet à l'équipe de changer très facilement les écopes de frein (photo ci-dessous. Ndlr) de manière à réguler la quantité d'air abreuvant ces derniers. Avec le système hybride, les refroidir correctement n'est pas simple. L'an passé, nous avons été parfois en difficultés car il nous était difficile de régler cela. Cette solution devrait nous permettre d'y remédier. »

© Toyota Gazoo Racing

Enfin, la GR010 est - depuis Monza - équipée à l'avant d'une barre anti-roulis réglable par le pilote (une ineptie imposée par les constructeurs LMDh et l'IMSA), alors qu'une nouvelle disposition des phares a été mise au point de façon à accroitre la visibilité de nuit. « Chez Toyota, nous ne restons jamais immobiles et nous cherchons sans cesse à fabriquer des voitures toujours meilleures » affirme pour sa part le team principal Kamui Kobayashi. Voilà qui ne va guère rassurer la concurrence...

TOYOTA EST-IL favori à sa propre succession ?

La GR010 Hybrid « Evo 2023 » a été étrennée une dernière fois avant le début de saison il y a deux semaines, sur le circuit Paul-Ricard. L'occasion pour nous de demander aux pilotes ce qu'ils pensent des évos.

 

« Pour les raisons que vous connaissez, la voiture n'était pas optimale, nous a répondu Mike Conway, qui fera à nouveau équipe avec José Maria Lopez et Kamui Kobayashi. Nous sommes désormais débarrassés de bon nombre des soucis que nous avions et la voiture est clairement plus facile à conduire. Il est plus aisé d'en tirer la quintessence. Nous avons fait un pas de taille dans la bonne direction. »

 

Une voiture en net progrès, un haut niveau de fiabilité, une expérience incommensurable et une science de la course qui n'est plus à démontrer, Toyota a tout – sur le papier – pour dominer la catégorie. « Nous avons plus d'expérience mais nous roulons beaucoup moins, tempère cependant Vasselon. L'écart, en nombres de jours d'essais, est conséquent. Certains roulent deux à trois fois plus que nous. Nous concernant, nous sommes bien loin du quota autorisé et nous l'avons toujours été. »

© Toyota Gazoo Racing

Et le fait de devoir composer avec une dizaine d'adversaires contre un seul sur l'intégralité de la saison dernière ? « Ce qui change, ce n'est pas le niveau de la compétition mais le nombre de compétiteurs, insiste Pascal Vasselon. Avec la BoP, Alpine - qui s'appuyait sur une voiture fiable et facile à exploiter - était un concurrent redoutable. Mais plus tu multiplies le nombre de compétiteurs plus c'est compliqué. C'est statistique. Mais il est peu de dire que nous sommes ravis de voir la concurrence arriver. »

 

Avec cependant, la pression du favori à gérer. « Oui et non, insiste Pascal Vasselon. Car ces dernières années, nous n'avions pas le droit à l'erreur. Si nous avions échoué, personne n'aurait compris. La victoire était considérée comme normale, et la défaite nous aurait couvert de ridicule alors que cela n'aurait pas été justifiée. Mais encore une fois, sur le papier, il est certain qu'il y a beaucoup plus de risques que nous ne gagnions pas. »

 

Une éventualité que le Toyota Gazoo Racing refuse bien évidemment catégoriquement d'envisager.

Commentaires (5)

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Cabrelbeuk

24 fév. 2023 • 10:22

Toyota reste favoris, ils perfectionnent une plateforme déjà solide alors que tous les autres concurrents mis à part Glick (qui avait du mal sans gros coup de pouce de la BoP en termes de perf) ont à faire leurs preuves.

Steve McQ

24 fév. 2023 • 10:38

Vu les modifications aéro, il me paraît clair que la voiture est repassée en soufflerie d'homologation. Après combien de jokers utilisés, c'est une autre question, mais très certainement quelques uns au pluriel. Je trouve d'ailleurs assez bizarre que ce soit confidentiel alors que la BOPisation de la catégorie devrait inciter les instances à une transparence maximum sur ce genre de sujets pour éviter les polémiques inutiles.

@Cabrelbeuk : quand est-ce que Glickenhaus a eu un gros de pouce de la BOP ? La course qu'ils dominent à Monza (avant casse du moteur) est régie par une BOP quasiment identique à celles des 24h du Mans. La différence y était que Toyota avait dû changer son différentiel en prévision de la convergence avec les LMDh, et la voiture a pas mal perdu en performance car elle n'avait quasiment pas été testée dans cette configuration.

AMICALEMANS

24 fév. 2023 • 17:15

Les autos toyota ne font pas rêver. Avec la concurrence, leurs pilotes vont être sous pression et donc faire des erreurs...

vvf36

24 fév. 2023 • 18:10

@ amicalemans, ou alors, avec leur expérience, les Toyota vont mettre la pression sur tous les "petits nouveaux" et leur faire commettre des fautes.

Ça marche dans les deux sens ?.

Pour moi, Toyota a l'avantage (pour 2023 uniquement) grâce à leur connaissance et exploitation de leur voiture. Mais le match sera beaucoup plus intéressant ?

Tique

25 fév. 2023 • 9:25

Je trouve assez normal que le nombre de joker utilisés soit confidentiel. Toyota et Peugeot ont quand même été assez impacte par des changements de réglementation significatif durant la conception de leurs voitures. Un certain pragmatisme de l’ACO/FIA serait le bienvenu je pense.