24H de Spa : Des bottes en caoutchouc au micro en 20 éditions...

Quand on est passionné par les courses d’endurance et qu'on est Français, on pense qu'il n'y a que les 24 Heures du Mans. En sport auto, vous entendrez régulièrement qu’il y a la F1 et le reste. En Endurance, il y a Le Mans et le reste. Ce n’est pas pour autant qu’il faut avoir des œillères. Une autre course de 24 heures se déroule chaque mois de juillet dans les Ardennes belges et elle mérite le déplacement. Qui aurait pu croire que 2022 marque ma 20e édition des 24H de Spa ? Certainement pas moi…

Avant juillet 2003, mon expérience sur les circuits restait très succincte : Le Mans chaque année, le Val de Vienne et deux manches FIA GT à Magny-Cours. En revanche, tout ce qui passait sur le petit écran sur Motors TV y passait. Avec les récits de Jean-Marc Teissedre, la télévision était le seul moyen de suivre les courses lointaines. Oui, il y avait une vie avant Internet et les réseaux sociaux.

En mai 2003, je me rends à Magny-Cours pour suivre le FIA GT où je fais la connaissance d’une bande de frenchies chez Freisinger Motorsport, l’équipe qui fait rouler Stéphane Ortelli et Marc Lieb. Ils s’appellent Erik, Jean-Louis et Michel, alias Canard. A cette époque, j’étais bien entendu simple spectateur déjà bien content de vivre une course de l’intérieur. Le championnat se rend à Spa deux mois plus tard et je me dis que l’occasion est trop belle pour la laisser passer. Il y a un hic. En juillet 2003, je suis en brouille avec mon employeur de l’époque et il m’est compliqué de tout plaquer pour aller voir une course en Belgique. Mon absence peut jouer sur le licenciement. J’ai un pass qui m’attend pour les 24H de Spa. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Après avoir pesé le pour et mis de côté le contre, direction Spa-Francorchamps en solo pour ce qui sera ma première course hors de France. On va aller voir si c’est vraiment le plus beau circuit du monde.

Dès 2003, j’ai vite compris que la météo changeait à la vitesse de l’éclair à Spa. Cette édition 2003, qui restera comme très pluvieuse, a tourné à l’avantage de Freisinger Motorsport, ce qui tombait plutôt bien car j’ai passé le plus clair de mon temps chez eux. Personne n’osait croire à la victoire de cette petite équipe en N-GT. En 2003, il n’y avait pas de BOP pour réguler le tout. Ta Porsche était meilleure sous l’eau face aux Chrysler Viper, Chevrolet Corvette C5-R et autres Ferrari 550 Maranello, alors elle pouvait l'emporter. Spa 2003 est la première course vécue de l’intérieur et c’est là que tu comprends tout ce qu’il faut endurer.

La météo était exécrable et je comprenais mieux pourquoi on m’avait dit d’emmener des bottes en caoutchouc. Quand on ne connaît que Le Mans, c’est dingue quand même ce circuit au beau milieu d’une forêt. Outre le fait que j’ai passé un week-end formidable dans une équipe à taille humaine mais que j’ai lamentablement pourri l’intérieur de ma voiture malgré les protections, je n’avais qu’une envie : revenir à Spa ! J’y ai découvert un public belge chaleureux très sympa. Il y aurait donc autre chose que Le Mans ?

Les années suivantes, mon père m'accompagnait sur une course que lui aussi pouvait vivre au plus près des acteurs, caméscope en bandoulière. Avec un simple billet d'entrée, tu pouvais te glisser au cul du stand sans que personne ne te demandait rien. En 2003, j’ai passé la course avec un pass World Series by Renault qui était en support avec le bracelet qui permettait l’accès aux équipes GT.

Dès 2005, les choses ont changé avec un pass média pour travailler. Là, plus question de jouer les touristes dans une salle de presse que je découvrais. En 2006, ce monde était encore quasiment inconnu. Il suffisait d’aller dans un stand et de poser ses questions. Les réseaux sociaux n’étaient pas encore arrivés. J’ai connu une année la salle presse située au-dessus des stands Endurance, cette même pièce qui cette année est la loge de Saintéloc Racing. Pour la petite histoire, j'y ai remis les pieds hier après-midi pour la première fois. C'est con mais c'est un peu comme quand tu reviens dans un endroit de ton enfance. J’étais le puceau de service qui essayait de parler de la course sur Infos Course en 2005 (un an avant la création d’Endurance-Info).

Par la suite, tout s’est développé. Ce circuit découvert en 2003 est devenu un endroit familier où j’ai pris mes repères. J’ai eu la chance d’assister à la course avec les monstrueuses GT1, de voir le match Corvette/Aston Martin/Ferrari. Bordel, quel souvenir ! J’étais là aussi pour la présentation du mythique World GT1, un championnat qui n'a pas connu le succès qu'il méritait. Le temps est passé à une vitesse incroyable depuis 2003. Certains des pilotes sont devenus des amis. Est-ce qu’une édition se détache ? La question est difficile car chaque édition est différente. La première me tient forcément à cœur car c’est aussi l’une des rares qui m’a permis de déambuler autour du circuit en spectateur. Ce n’est plus possible par manque de temps.

Des anecdotes, il y en a des dizaines et des dizaines. Cette course est si indécise que même quand tu penses avoir course gagnée, le ciel peut toujours te tomber sur la tête. J'ai le souvenir d'un Manu collard en pleine séance de poussette aux 24H de Spa 2006 (lien) ou encore le drapeau rouge en 2019 où tu prends le café assis dans une chaise de camping à côté de la Porsche/GPX Racing qui va s'imposer quelques heures plus tard. Une situation improbable ! Même chose deux ans plus tôt (lien) à l'arrivée où l'humain prend le dessus sur le sportif. Ce circuit offre la possibilité de prendre un café avec vue sur la piste à la Pit Brasserie. 

Les choses ont évolué avec l'arrivée du micro pour commenter la course dans le rôle de consultant. Si rien ne me prédestinait à me rendre un jour aux 24H de Spa, rien mais alors vraiment rien ne pouvait faire qu'un jour je me retrouve avec un micro sur cette course et les autres. Le jour où Laurent Gaudin, manager général des 24H de Spa, a eu cette idée saugrenue de me donner ce rôle, qu'avait-il pris ? Je suis le mec qui arrive de nulle part et qui était en bottes en caoutchouc sous la pluie aux 24H de Spa 2003, le mec qui écoutait les commentateurs en bord de piste. Tout de même dingue cette histoire. Cette année encore, je vais commenter cette course avec mon compère et ami Thomas Bastin, mon partner in crime des circuits, le gars aux milliers de fiches qui est capable de vous sortir le nombre de cailloux dans les bacs. Toute cette petite équipe composée d'Antoni, Vincent, Benoit et Sam va vivre en vase clos dans une petite pièce pour vous relater cette course qui s'annonce plus ouverte que jamais. Croyez-moi que tout se fait dans la bonne humeur et il serait bien étonnant que tout se passe sans rien casser.

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Une dernière chose dont je tire une certaine fierté. Endurance-Info a pu avoir sur plusieurs éditions un stand dédié ouvert au public pour approcher la voie des stands (ce qui n'est plus possible par manque de place), sans oublier une loge au-dessus des stands Endurance. Là, mes bottes en caoutchouc de 2003 sont rendues loin...