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Derek Warwick (part 2) : "Ma victoire au Mans reste l'une des mes plus grandes fiertés !"

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8 avr. 2020 • 14:00
par
David Bristol
Suite et fin de notre interview avec Derek Warwick. Il revient sur sa victoire aux 24 Heures du Mans 1992 avec Peugeot et nous raconte sa dernière participation au Mans avec deux pilotes de légende, Jan Lammers et Mario Andretti !« Quand je suis arrivé chez Peugeot en 1992, j’étais, par contre, un peu inquiet sur la composition des équipages, je trouvais qu’avec l’association Jabouille / Alliot, le côté français était un peu mis en avant et qu’il allait y avoir un peu de favoritisme. Pourtant, cela ne s’est jamais produit. Je dirais même que Jean (Todt) m’a favorisé. Il s’occupait tout le temps de moi, me poussait. Il savait que, cette année-là, j’avais besoin d’honorer mon petit frère Paul (tué dans un accident de F3000 en 1991, ndlr). Nous avions poussé presque pendant toute la course, je dirais presque 23 heures à fond contre les Toyota TS010 !
Malheureusement pour eux, ils ont eu un souci en fin d'épreuve ce qui nous a permis de réduire un peu le rythme lors de la dernière heure. C’est à ce moment-là, alors que je suis dans une équipe française, avec un patron français et un coéquipier français dans la voiture à ce moment-là
(Yannick Dalmas, ndlr), que Jean a décidé d’arrêter la voiture et de me faire faire le dernier relais d’une heure et 30 minutes. Il savait que je voulais finir cette course à la mémoire de Paul. Je pense qu’il avait également voulu me remercier pour le travail que j’avais accompli en coulisses avec toute l’équipe Peugeot Sport. Il est vrai que je m’étais beaucoup investi. »
Par la suite, le Britannique remporte les épreuves de Silverstone, Donington et Suzuka. Ces trois courses, plus sa victoire aux 24 Heures du Mans associé à Yannick Dalmas et Mark Blundell, lui permettent de coiffer la couronne de Champion du Monde d’Endurance (tout comme son coéquipier français).
En dépit de ces deux « gros » succès, le nom de Derek Warwick n’apparaît pas sur la liste des engagés l’année suivante pour défendre sa couronne mancelle… « A la fin de l’année 1992, j’ai pris contact avec une équipe d’IndyCar. Je suis allé rouler à Mid-Ohio pendant deux jours pour le compte de Jim Hall et son équipe, Hall / VDS Racing (Lola T93/00 Chevrolet). J’étais vraiment bien dans la voiture, rapide. Alors que j’étais sur place, j’ai eu deux coups de fil : l’un d’Eddie Jordan pour rouler dans son équipe et l’autre de Jackie Oliver pour rouler dans mon ancienne équipe, Arrows, renommée Footwork Racing. Mon cœur a parlé, à tort peut être en y repensant maintenant. J’ai quitté Peugeot et je suis retourné chez Footwork. Cependant, l’année ne fut pas brillante (une 4e place en Hongrie pour meilleur résultat, ndlr), mais je voulais faire une dernière saison en Formule 1. »Ce n’est que quatre ans après son sacre que l’on le revoit aux 24 Heures du Mans. Cette fois-ci, fini les équipes usine, place à un constructeur artisan manceau, Yves Courage. Il roule alors sur une Courage C36, mais pas avec n’importe qui ! « Là aussi, je n’étais pas très sûr de moi, mais par contre, ce n’était pas pour l’argent, c’est certain. J’ai disputé cette édition car je voulais de nouveau refaire les 24 Heures du Mans. Mario Andretti m’a appelé et il désirait que je sois le leader de l’équipe. Il y a avait aussi Jan Lammers. J’ai vu la voiture, j’ai su que ce serait difficile, mais je me suis dit : pourquoi pas ! Je voulais tellement aider Mario à gagner cette course parce qu’il aurait alors tout gagné. Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme cela, nous avons terminé seulement 13e. Cependant, j’en garde un bon souvenir, j’ai passé un vrai bon moment. »
Warwick / Andretti / Lammers, tel était l’équipage inscrit sur le flan de la Courage C36 #4 cette année-là, un équipage de légende en somme. « Jan Lammers, c’est quelqu’un de brillant. Je le connaissais déjà bien car j’avais roulé avec lui chez Jaguar. Il était très rapide, un homme très humble. C’est un plaisir de travailler avec quelqu’un comme Jan. Avec lui, nous nous sommes partagés une grosse partie du travail. Ce fut un peu plus difficile avec Mario car il voulait toute la gloire, mais sans travailler (rire). Il souhaitait juste prendre le départ et terminer ! Mais j’ai adoré être en sa compagnie, Mario, c’est une vraie légende pour Jan et moi. Vous avez toujours des idées sur ces grands pilotes et quand vous travaillez avec eux, vous comprenez tout de suite pourquoi ils ont ce palmarès ! »
Lorsqu’on lui demande si cette victoire en 1992 fait partie de ses meilleurs souvenirs en sport automobile, il répond : « il y a beaucoup de bons souvenirs dans une carrière. Je me rappelle très bien de ma première victoire en Formule Ford, en F3, puis en F2. Je me souviendrai toujours de mon premier Grand Prix dans une Formule 1 car, toute ma vie, je me suis battu pour rouler dans cette discipline. Cependant, l’une des choses dont je suis le plus fier est effectivement d'avoir remporté les 24 Heures du Mans. J’ai souvent eu la chance d’être dans de bonnes voitures en Endurance. De plus, rouler au Mans a toujours été quelque chose de spécial. Quand vous allez vers ce podium, avec tous ces spectateurs français et anglais, c’est quelque chose de très émouvant ! Je me souviens aussi lorsque j’ai franchi la ligne d’arrivée, je criais de joie à l’intérieur du cockpit ! Ce ne fut pas une édition facile à gagner déjà à cause de la pluie, mais aussi de la concurrence des Toyota et de la voiture sœur de Jean-Pierre Jabouille / Phillipe Alliot (plus Mauro Baldi, ndlr). Nous avions bataillé, Yannick et moi –même, mais aussi Mark Blundell. D’ailleurs, j’avais insisté pour que ce dernier nous rejoigne. Nous avions très bien travaillé tous les trois et je leur avais répété tout au long de la semaine : boîte de vitesses, boîte de vitesses ! Dès qu’un descendait de la voiture, il disait à l’autre : boîte de vitesses. Nous savions que c’était le point faible de la voiture. »
En 1996, on retrouve le Britannique occasionnellement au volant de voitures de tourisme en championnat britannique (BTCC) ainsi que dans la série Grand Prix Master avec quelques anciens grands noms tels que Nigel Mansell, Riccardo Patrese ou Hans Stuck. Une fois le casque raccroché, il a été Président du BRDC (British Racing Driver's Club) et s’est également occupé de pilotes tels que Lando Norris ou encore George Russell. Même en étant retiré du sport automobile, il n’en reste pas moins un spectateur attentif. « Le LMP1 a été très intéressant ces dernières années avec ces constructeurs impliqués, mais cela s’est vraiment compliqué par la suite. La catégorie vraiment passionnante pour moi est le LMP2. Cela reste abordable, ce sont des voitures rapides, il y a de très bonnes équipes et de super pilotes. L’ACO, le WEC et la FIA pourraient peut-être mixer ces deux catégories. Je sais aussi qu’il y a l’Hypercar, mais je ne suis pas convaincu par le principe et je pense qu’il n’y aura pas d’assez de voitures sur la grille (interview faite avant le retrait d’Aston Martin Racing, ndlr). S’il y a 20 voitures, c’est super, mais je penche plus pour deux ou trois ! C’est trop gros, trop cher. Je reste persuadé que le LMP2 est la meilleure catégorie et que vouloir faire de l’électrique, du « green », c’est bien, mais il faut faire ce qu’il y a de mieux pour l’endurance ! »
Merci à Luc Joly, Eric Le Galliot, Alain Tannier, Jérôme Fougeray et Michel Faust pour leur contribution aux photos ! 

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