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En 1980, la Porsche 911 SC Ethanol de Thierry Perrier remportait le Groupe 4 au Mans

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16 avr. 2020 • 12:00
par
Claude Foubert
L'annulation de la dixième édition de Le Mans Classic nous va empêcher le retour en piste de la Rondeau M379 B-Ford Cosworth DFV #16 de Jean Rondeau et Jean-Pierre Jaussaud, victorieuse des 24 Heures du Mans 1980. Elle nous prive également d'un autre vainqueur de cette édition 1980, la Porsche 911 SC #93 aux couleurs de Rubson et de Yacco engagée par Thierry Perrier qui pilotait lui-même la voiture associé à Roger Carmillet. La Porsche devait effectivement faire partie du Plateau 6 de Le Mans Classic, emmenée par Thierry Perrier et Philippe Peauger.Cette voiture, inscrite en Groupe 4, avait la particularité d'avoir un nouveau carburant, un mélange d'éthanol et d'essence. Et oui, on pouvait courir - et même gagner - avec une voiture à l'éthanol il y a quarante ans !!
C'était le Garage 56 avant l'heure et un Garage 56 victorieux, qui plus est ! Ce succès en Groupe 4 n'était pourtant pas des plus évidents au départ, la 911 SC devant affronter quatre Porsche 934 nettement plus puissantes (plus de 450 chevaux pour les 934 contre 300 pour la 911), ce qui se vérifia aux essais. Thierry Perrier devait concéder près de 13 secondes à la moins rapide des 934 et partait de la dernière ligne. La voiture était la seule chaussée en Kléber Colombes, le manufacturier faisant son retour dans la Sarthe après plusieurs années d'absence.
Cette année-là, le gouvernement français avait lancé un plan pour promouvoir le développement de nouveaux carburants pouvant se substituer aux hydrocarbures. L'Automobile Club de l'Ouest avait soutenu cette initiative en incluant dans sa réglementation technique la possibilité d'utiliser des énergies nouvelles, incitant les concurrents à aller dans cette voie. Seuls Thierry Perrier et Roger Carmillat saisirent cette possibilité, la 911 SC utilisant donc le mélange mixte éthanol-essence. Après la course, Raymond Gouloumès, le Président de l'ACO à l'époque, saluait Thierry Perrier qui « avait eu le cran de relever le défi de l'éthanol... »Thierry est gentiment revenu sur cette course avec nous...« Notre 911 SC datait de 1977. Nous avons profité du vœu de promouvoir les énergies nouvelles émis par l'ACO pour être sur la liste des voitures admises. J'avais lu une étude sur de « nouvelles énergies » parue dans « L'Automobile », rédigée par deux ingénieurs, Georges Agache et Roger Oswald. Avec Roger Carmillet qui était instructeur à l'AGACI et qui travaillait également chez Ferodo, nous avons donc rencontré ces deux personnes qui avaient travaillé sur un moteur Audi fonctionnant à l'alcool pur. Raisonnablement, nous avons préféré l'option d'un mélange 50-50, exactement 48% éthanol et 52% essence.L'Association Interprofessionnelle des Betteraviers de France, très intéressée par le projet, nous a fourni les matières premières et s'occupa des diverses autorisations indispensables. Nos mécaniciens, François Bellepomme et Guy Dardat, se mirent au travail pour opérer les modifications nécessaires sur l'injection, l'allumage et le réchauffage du compartiment moteur.Pour ces 24 Heures, nous avions une cuve d'essence, une cuve d'alcool et une cuve de mélange que nous faisions garder, de crainte qu'on jette quelque chose dans ces cuves. Cette année-là, la météo était épouvantable. Bien que nous soyons au mois de juin, il faisait froid et ce n'était pas l'idéal pour notre carburant. Au fil de la course et des abandons, nous sommes remontés méthodiquement dans le classement. La Porsche marchait comme une horloge et, en dehors d'un changement des plaquettes de frein, nos seuls arrêts ont été pour les ravitaillements et des changements de pneumatiques. Sur les 24 heures, notre 911 SC n'est restée devant le stand que 53 minutes. Seules trois voitures ont fait mieux, et de justesse : la Rondeau M379 B Belga des frères Martin et de Gordon Spice (47 minutes, ndlr) et les Porsche 924 GT de Andy Rouse/Tony Dron et de Derek Bell/Al Holbert, deux Porsche officielles qui ne passèrent que quelques minutes de moins au stand ! 
A deux heures de l'arrivée, nous étions deuxièmes en Groupe 4, derrière la Porsche 934 Alméras de Jacques et Jean-Marie Alméras et de Marianne Hoepfner. A ce moment, un orage gigantesque s'est abattu sur le circuit, mais très localisé, entre la ligne droite des Tribunes et le Tertre Rouge. Un véritable déluge, la piste était complètement noyée ! Aussitôt les sorties de route, et notamment dans la Courbe Dunlop, se sont multipliées. J'ai vu un proto sortir dans la courbe et avoir le plus grand mal à repartir à cause de l'épaisseur de la couche d'eau ! La Porsche Alméras est elle aussi sortie dans cette courbe, a tapé les rails et s'est immobilisée. La piste était tellement couverte d'eau que je descendais de la Chapelle au Tertre Rouge en seconde, avec le frein moteur. Par contre, dans les Hunaudières, le circuit était sec et on pouvait remettre les gaz à fond. Tout le monde est rentré aux stands pour mettre les pneus pluie, mais j'ai voulu rester en piste en faisant évidemment très attention dans la zone détrempée. La Porsche Alméras n'est pas repartie et nous avons fini premiers du Groupe 4, 16e au général."
La Porsche 911 SC devait disputer cette année Le Mans Classic avec un moteur conventionnel. Le report de 2020 à 2021 va peut-être changer la donne, Thierry nous ayant confié qu'elle pourrait fonctionner à l'éthanol, mais sans doute pas avec un moteur dans la configuration 1980, mais avec un adaptateur.Philippe Peauger, président de Feralu, société spécialisée dans les travaux de menuiserie mécanique et de serrurerie, participe régulièrement à Le Mans Classic et au Championnat CER. Il a disputé les éditions 2016 et 2018 avec cette Porsche 911 SC (ci-dessous). Il a également couru à Le Mans Classic à bord d'une Alpine M63 avec, pour partenaire, Jean-Charles Rédelé et, en 2010, il pilotait une Chevron B16.
Thierry Perrier, victorieux également en GT au Mans en 1981 avec une Porsche 934 fonctionnant au Carburol, court toujours. Il a été triple Champion en GT dans le Challenge VdeV (ci-dessous).
Il a remporté le titre GT en Ultimate Cup Series l'année dernière associé à ses complices Jean-Paul Pagny et Jean-Bernard Bouvet sur la Ferrari 488 GT3 du Team Visiom et le trio entend bien défendre son titre cette année si l'évolution des conditions sanitaires le permet, évidemment.
Thierry fête aujourd'hui ses 70 ans et nous lui souhaitons, bien sûr, un excellent anniversaire.

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