Le Mans

Billet d'humeur 24H du Mans - Embarquez dans mes souvenirs au Musée

24 Heures du Mans
1 juin. 2023 • 9:30
par
lmercier, un brin rêveur

Cent ans, ça se fête. Ni vous ni moi ne savons si nous irons jusqu’au centenaire, mais ce centenaire des 24 Heures du Mans ne va pas nous passer sous le nez. Bien sûr, le spectacle sera sur la piste dès ce dimanche à l’occasion de la Journée Test. Ce n’est pas tout car la Grande Exposition du Centenaire au Musée des 24 Heures vaut le déplacement. Rien que cette visite vaudrait une venue en Sarthe. Imaginez un peu, 59 anciennes voitures qui se sont imposées au Mans et 80 voitures de la course exposées dans un même lieu.

 

Toutes les décennies sont bien représentées, des années 20 aux années 2020. A écouter les personnes présentes lors de visite, tout est une histoire de génération. Forcément, ceux qui ont connu les premières années ne sont plus de ce monde. Des années 20 aux années 50, on ne peut que constater l’avancée de la technologie. Je vais être honnête, ces années sont loin d’être ma spécialité. Il est vrai que ces autos sont belles et très bien conservées mais elles n’ont pas le moindre souvenir dans ma mémoire de gamin. Désolé pour les puristes mais pour que ça me fasse vibrer, il faut que ça me rappelle quelque chose. Je ne sais pas pour vous mais toutes mes relations amoureuses depuis que je suis ado me rappellent une chanson car la fille du moment est rattachée indirectement à la chanson du moment. C’est la même chose pour les voitures.

 

Vous déambulez dans le musée et vous entendez ceux qui ont vécu les années 60/70 raconter des anecdotes vécues sur le moment, ce que moi aussi je fais dans ces lignes. Plus on avance, plus on arrive dans ce que je connais ou du moins les souvenirs que j’en ai. Quand j’étais tout gamin, pas question pour moi d’aller au Mans, mais mon père me ramenait chaque année quelque chose : des autocollants, des posters, une casquette. Tout commence dans la Grande Exposition du Centenaire par la Porsche 936/77 de Jürgen Barth, Hurley Haywood et Jacky Ickx, victorieuse en 1977. J’étais bien trop jeune pour avoir vu courir la #4 mais il me vient quelques vagues souvenirs de la télévision, sans plus. En revanche, j’avais des stickers. Face à elle se trouve l’Alpine-Renault victorieuse en 1978 aux mains de Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi. Là aussi, je n’ai pas vu la voiture rouler. Cependant, mon père travaillant chez Renault, il avait une palanquée de produits dérivés, dont une casquette que j’ai toujours dans mon bureau 45 ans plus tard. Vous vous souvenez du sticker à l'arrière des Renault ? Le visuel de l'Alpine-Renault, le logo Elf et '1er Le Mans 1978'. 

 

Vous descendez quelques marches dans le Musée pour voir la Rondeau M379, celle qui s’est imposée en 1980 avec Jean Rondeau et Jean-Pierre Jaussaud. Je ne vais pas vous rabâcher ce que vous avez déjà lu à plusieurs reprises ici, mais c’est là qu’a commencé ma passion pour cette course. Le fait que ce soit mon 1er Le Mans, que j’ai pu avoir un autographe très tôt de Jean Rondeau, que j'ai reçu un tas de photos et de posters quelques mois seulement après sa victoire grâce à sa mère qui avait répondu au courrier que j’avais envoyé à son fils. Gamin, ça marque. Voilà où j’en suis 43 ans plus tard. Cette Rondeau Le Point me rappelle la pluie de 1980, l’engouement pour ce petit artisan, ma découverte des 24H. Sans cela, quel tournant aurait pris ma vie ? Personne ne le sait. Pour moi, cette Rondeau est LA voiture du Mans, la toute première pour moi. Si je vous dis qu’en juillet de la même année, ms parents m'avaient acheté ‘L’Automobile Magazine’ qui revenait sur Le Mans avec sa couverture marquée en gros ‘Renault 5 Turbo 160 ch, 200 km/h !’ Là aussi une révélation.

 

Tout près d’elle se trouve la Porsche 936/81 aux couleurs Jules, une auto que je déteste. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette année-là, en 1981, mes résultats scolaires étaient insuffisants pour aller au Mans. Ma mère vous dira que c’est exagéré mais je peux vous affirmer que c’est vrai à 100%. Il y a ensuite les Porsche 956 et 962C aux couleurs Rothmans. L’année 1982, la première du Group C, était synonyme de retour au Mans. J’étais encore un peu jeune pour me souvenir de tout mais c’est là que j’ai vu de près Jacky Ickx pour la première fois dans le parc Coureurs. J’ai encore tous les journaux d’époque, les affiches et même un badge Porsche Rothmans que j’ai porté tout l’été en vacances. Je pense que tout le monde se foutait de moi et je ne vous parle pas de ma varicelle cette année-là. Rien au Musée sur 1983, ce qui me va plutôt bien car quelques semaines après Le Mans, je faisais le malin en vélo et paf : traumatisme crânien. Un séjour à l'hôpital. Que dire de 1984 et 1985 avec la Porsche 956 aux couleurs New Man. Ce jaune est pour moi synonyme de Henri Pescarolo et Pierlant. L’année 1986 était plus compliquée car elle pour la deuxième fois depuis 1980, pas de 24H du Mans, ce qui permet de voir dans l'exposition la Porsche 962 C de Derek Bell, Al Holbert et Hans Stuck. Même mon père avait manqué 1986 et rien à voir avec ses résultats scolaires. 

 

Et cette Jaguar XJR-9 LM aux couleurs Silk Cut en 1988 ? Oui j’avoue avoir fumé en cachette des Silk Cut en référence à la Jaguar, ce qui montre l’importance de la publicité. Quelques années plus tôt, j’en avais fait de même avec Miami Vice et les Lucky Strike. Ce look de cette Jaguar, ce son, cette déco. Quel plaisir de la voir et de l’entendre en bord de piste à la réaccélération après Mulsanne le dimanche matin. Tout l’été, je me suis promené avec ma casquette verte marquée Silk Cut Jaguar. Que dire aussi de cette WM qui a dépassé les 400 km/h ? Le vert et blanc Heuliez avec son France Design. Le fleuron français de Cerizay, petite commune située tout près de chez moi. Comme d’autres, cette société française a été saccagée alors qu’elle portait toute une région. Alors oui la WM n’a pas vu le damier mais elle restera dans l’histoire. Comme pour Jean Rondeau, cocorico.

 

Faut-il vous parler de la Mazda 787B ? Le son de son quadri-rotor atmosphérique strident à vous péter les tympans. Même 32 ans après, vous l’avez encore en tête. Vous y rajoutez les couleurs, le sponsor Renown et vous avez une auto qui elle aussi restera dans l’histoire des 24H du Mans. De l’épopée des Peugeot 905, je retiens aussi la course de Spider le samedi matin de la course, la rivalité de Christophe Bouchut et Eric Hélary. J’ai toujours suivi de près la carrière de Christophe Bouchut que j’ai toujours considéré comme un pilote hors-pair, un peu à la Marciello. Le genre de pilote capable de vous claquer une pole sans avoir l’air de forcer et de vous balancer les clés en vous disant ‘ouais elle était pas mal, je reviens demain pour la course’.

 

Pas encore de Porsche Dauer 962 LM GT au Musée, ce qui n’est pas dérangeant car pour la troisième fois, pas de 24H pour moi et cette fois rien à avoir avec les résultats scolaires. Je n’ai jamais évoqué mon absence de 1994. J’étais fou amoureux d’une belle blonde, moi qui préfère pourtant les brunes. Pas moyen de concrétiser même si je m’en rapprochais. Je voyais qu’il y avait une possibilité et que je ne pouvais pas passer un week-end sans la voir sous peine d'être Jean-Claude Dusse. Sauf que c’était le week-end des 24H du Mans. Que faire ? Mon père et Jean-Charles (un ami de la famille) y sont allés, moi pas. Personne n’avait compris pourquoi. Moi, j’avais une idée en tête. J’ai donc suivi de loin l’édition 1994. Après une folle soirée en boîte de nuit bien arrosée, ce qui devait arriver arriva mais, car il y a un mais, je n’ai que peu de souvenirs de la nuit, elle non plus d’ailleurs. Promis, je n’ai plus touché un verre de vodka depuis ce soir-là. La Porsche Dauer était comme moi, en marge des règles.

 

On ne m’y reprendra pas car je n’ai plus manqué une seule édition depuis 1994, copine ou pas copine. Pour mon retour, j’ai assisté au succès de la McLaren F1 GTR, une auto mythique et le sponsor Ueno Clinic n’a pas le moindre rapport avec ma fin de nuit 1994 (comprenne qui pourra).

 

On arrive ensuite aux années qui pour restent pour moi parmi les plus belles, celles qui restent gravées. La Porsche 911 GT1 de Ortelli, McNish et Aïello est bien en place, mais vous comme moi rêvez aussi de Toyota GT-One, Nissan R390, Mercedes CLK et autres Panoz. Une époque dorée comme celle du Group C. Pourtant, en 1999, c’est bien la BMW qui l’emporte avec un certain Yannick Dalmas.

 

Je vais être franc, je suis passé un peu plus vite devant les voitures suivantes des années 2000 à 2020. Ce n’est pas qu’elles ne sont pas intéressantes, bien loin de là. C’est juste que c’est plus récent et qu’il n’y a plus ce regard d’enfant ou d’adolescent. Ce n’était pas mieux avant, c’était juste différent.

 

Cette Grande Exposition du Centenaire vous rappellera un tas de choses mais elle vous permettra aussi d'en découvrir de nouvelles. Le slogan Mythique, Magique, Unique de 2016 prend tout son sens. Merci d'avoir mis en scène les débuts de cette course, d'avoir fait remonter à la surface mes souvenirs d'enfant et de me rappeler que cette fascination de l'Endurance est maintenant associée à un métier. 

Commentaires (7)

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MS670b

1 juin. 2023 • 11:21

Merci pour ce billet. Comme beaucoup de vieux gamins, j'ai hâte d'y être et espère y revoir les 3 Matra victorieuses. En 73 (j'avais 15 ans), le pesage avait lieu sur le circuit et il n'y avait pas grand monde en dehors des personnes directement concernées. Ducarouge était là avec les mécaniciens mais, après les vérifications, la #11 s'est retrouvée un moment à l'écart, abandonnée. J'ai alors été tenté de m'installer au volant mais, dans ma précipitation, n'ai pas trouvé le loquet pour ouvrir la porte (il était en dessous). Je me suis appuyé dessus pour l'enjamber mais comme la carrosserie s'enfonçait un peu et que le temps passait, je n'ai pas insisté.
Si j'avais su que c'était cette voiture qui allait remporter l'épreuve, j'aurais sûrement été plus audacieux et, 50 ans plus tard, je le regrette toujours.

PierreBid

1 juin. 2023 • 12:27

Merci laurent pour ce joli billet.
Chacun son histoire et c'est aussi ça la magie du Mans, pour moi la première victoire Porsche coïncide avec l'année de ma naissance mais c'est en 1993 ou j'ai craqué en passant 22h devant eurosport depuis ma Belgique natale(le retour des gt et le duel Peugeot -Toyota me fait encore frissonner), ensuite ma première fois en 1995 , le V12 Bmw des McLaren, et depuis tous les ans , en ayant Habité au Mans de 2012 à 2020.
je suis à une heure de route maintenant et parfois j'ai l'impression d'entendre encore les voitures vrombir depuis chez moi.
je serai content demain de voir la Maserati tipo 61, ayant eu l'occasion d'en conduire mais ça c'est une autre histoire.
merci vraiment pour ce partage
et vive le centenaire.

dmeyers

1 juin. 2023 • 12:38

Formidable lecture, j'ai hâte de faire la visite, au sujet de la Rondeau quelle erreur ! elle n'as pas franchie la ligne d'arrivée avec ce capot mais avec un de la N° 15 et donc le sponsor (ITT) et un 5 bricolé en 6 ! (Je ne peut pas passer à côté, c'est un des premiers kit au 1/43 que j'ai réalisé)

steph73

1 juin. 2023 • 12:53

Merci Laurent pour l'évocation de tous ces souvenirs...Personnellement, l'image qui me vient en tête est celle du début des années 80, avec les trois 956 comme à la parade: 1,2,3 aux 3 premières places...Cette impression d'invincibilité qu'elles dégageaient..

EricQ

1 juin. 2023 • 13:28

Ce genre de témoignage est l'essence de la célébration du centenaire. Les voitures (même victorieuses) qui s'exposent ne seraient rien sans l'addition de chacune des expériences individuelles qui s'y rattache de près ou de loin. On a tous nos souvenirs personnels et ceux ci s'accumulent à toutes les autres personnes qui ont un jour foulé le même endroit pour former l'histoire des 24h et surtout les faire perdurer...
Merci